
Méduse.
Connaissez-vous l’histoire de Méduse, la gorgone qui, vivant recluse, fut traquée, puis tuée par Persée ? Laissez-moi vous la raconter comme peut-être vous ne l’avez jamais entendue.
Méduse était – dit-on – d’une beauté sans pareil. Tous les hommes et même les dieux voulaient d’elle. Or, par amour ou par vocation, c’est Athéna qui fut l’objet de sa dévotion. Mais les dieux comme les hommes, de ses refus ont fait fi, car comme ils disent : « non, ça veut dire oui ».
Protégée des humains dans un temple sacré, c’est Poséidon qui est venu la réclamer : « Dieu des rivières, fleuves et océans, je pourrais en un geste te réduire à néant. Nul être ne se refuse à moi, alors toi, pauvre femme, penses-tu ne serait-ce qu’en avoir le droit ? ». Et c’est ainsi que Méduse, contre son gré, fut dépossédée de son corps, dépossédée de son âme, dépossédée de sa foi, ici-même, dans le temple d’Athéna.
Athéna, furieuse qu’un Dieu ait bafoué son sanctuaire, son nom et ses pairs, au nom d’un quelconque plaisir de la chair, n’en attendait pas moins du dieu de la mer. Elle, déesse guerrière, fut désemparée de constater que sa protégée n’ait su que faire.
C’est à ce moment que se produit la métamorphose : « Je te donne le pouvoir de changer en pierre quiconque oserait te défier du regard. Plus jamais tu n’auras à baisser les yeux ni te soumettre à ces crevards ».
Depuis des siècles ce don est considéré comme une sanction, mais si l’on y repense à deux fois- cela reste entre vous et moi -, ne serait-ce pas plutôt une bénédiction ?
Imaginez un peu, le fléau que pourrait être une femme blessée, si son seul dessein était de se venger.
Imaginez un peu pouvoir visiter tous ceux qui un jour vous ont oppressée, insultée, forcée, agressée, violentée. Imaginez un peu être capable en un clin d’œil de les pétrifier. C’est eux, qui baisseraient les yeux.
Imaginez un peu, tous ces types, ces DSK, PPDA, Cantat, tous trembler de peur et d’effroi. Ces types-là, qui se prennent pour des dieux, c’est eux qui baisseraient les yeux. Les darons, les matons, les patrons, c’est eux qui baisseraient les yeux.
Leurs yeux baissés et nous, affranchies de leurs regards salaces, qu’elle serait douce notre liberté, tous les jours la vie de palace.
Bref, au final Méduse choisit de vivre seule et retranchée, puis chassée par Persée, la suite, vous la connaissez.
A sa mémoire, Athéna porte la tête de Méduse gravée sur son plastron. Guerrière pacifique au destin tragique, dans laquelle nous nous reconnaissons.
Alors à défaut de réellement les pétrifier et à condition d’être soudées, nous serons toutes Méduse et bientôt, bientôt, ils baisseront les yeux.